Seules les bêtes de Colin Niel

Chronique de AMR

Un thriller magistral… Des destins croisés autour de la disparition d’une femme dans une région isolée où les hommes et les femmes gardent jalousement leurs rêves et leurs secrets tandis qu’à l’autre bout du monde, des liens se nouent et s’attachent autour d’autres désirs.
Les personnages, après avoir crevé l’écran (Cf. l’adaptation cinématographique), se sont imposés à moi dans une polyphonie angoissante, une alternance de points de vue qui s’imbriquent à la manière d’un puzzle fatal… Chacun parle à sa manière et l’auteur a su donner à chacun(e) une réelle identité, une personnalité attachante et une véritable présence : une assistante sociale mal dans son couple, son amant, vieux garçon solitaire, une jeune femme complètement perdue, le mari de l’assistante sociale aux prises avec son exploitation, ses rêves brisés et son mal-être, un « brouteur » africain… Tout sonnait juste dans un effet de réel tragique et inéluctable… une mécanique, huilée, parfaite…
Je n’avais pas vu passer les deux heures que dure le film… Le livre m’a autant, si ce n’est plus, captivée, embarquée, malmenée… Je n’étais plus incrédule mais toujours subjuguée… Tous ces JE résonnent, convainquent. On ne peut qu’être admiratif(ve) face à une telle maîtrise de l’action, du suspense mais aussi de la psychologie des personnages.
 
Des hommes, des femmes et des bêtes… Seules les bêtes, nous annonce le titre… Les bêtes, ce sont toutes les créatures animales ; mais les hommes peuvent se comporter avec bestialité, obéir à des instincts primaires. Dans ce roman, il y a des éleveurs de brebis et de vaches, ce bétail qui demande tant de soin et de présence, jour et nuit, pour les agnelages et les vêlages, ce bétail dont il faut nettoyer les litières en hiver, qu’il faut nourrir hors des périodes d’estives… Il y a aussi un chien qui porte un nom humain… Ce mot, « bête », véhicule une impression de force et de violence et, paradoxalement, une notion de manque de discernement ou d’absence d’intelligence, une idée de posture bornée, têtue, à la fois simple et obtuse, voire une suspicion de débilité. Comme ce titre est bien choisi ! Comme il résume à lui seul toute une ambiance lourde, dérangeante, fantasmée et, en même temps toute une connotation naïve, absurde et pathétique…
Les personnages expérimentent tous une forme de solitude, au sens strict quand ils vivent seuls, éloignés des autres, isolés ou livrés à eux-mêmes, au sens figuré dans une relation de couple qui bat de l’aile ou encore au sens moral quand les décisions prises et les actes commis ne permettent plus de retour en arrière. Si chacun(e) est unique, évolue dans son propre univers, ses rêves et ses désirs intimes, ils sont tous cependant liés deux par deux car en couple, amant(e)s, rivaux ou autres (je ne peux développer plus sans divulgacher)… Une même personne peut ainsi se trouver reliée, simultanément, à plusieurs interactions et l’ordre des voix chorales de la belle orchestration mise en œuvre par Colin Niel se révèle une véritable montée en puissance, sans temps mort : une réussite.
 
Ce livre est passé dans une véritable urgence de ma LAL à ma PAL ; j’ai choisi la version audio, admirablement lue par Grégory Nardella. Je sais déjà que je relirai ce roman, même en connaissant toutes les ficelles de l’écheveau.
Force est d’avouer que j’ai aussi acheté, mais en livre papier cette fois, la trilogie guyanaise : Les Hamacs de cartonCe qui reste en forêt et Obia
Colin Niel, je dois vous dire, qu’avec ou sans marabout, me voilà « attachée » à votre plume… Affaire à suivre.


Cette lecture valide :

La consigne n°9 du Défi Les Expressions gourmandes

A propos du livre :

Résumé : Une femme a disparu. Sa voiture est retrouvée au départ d’un sentier de randonnée qui fait l’ascension vers le plateau où survivent quelques fermes habitées par des hommes seuls. Alors que les gendarmes n’ont aucune piste et que l’hiver impose sa loi, plusieurs personnes se savent liées à cette disparition. Tour à tour, elles prennent la parole. Chacune a son secret, presque aussi précieux que sa propre vie. Sur le causse, cette immense île plate où tiennent quelques naufragés, il y a bien des endroits où dissimuler une femme, vivante ou morte, et plus d’une misère dans le cœur des hommes. Avec ce roman choral, Colin Niel orchestre un récit saisissant autour de la solitude qui confine à la folie.

Roman de 304 pages – se le procurer

Le mot de Sally Rose

Merci beaucoup pour ce partage AMR. J’ai suivi le même parcours que le tien : le film puis le roman. Les deux sont excellents mais le second est indispensable pour juger de la force du récit ❤❤❤

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À jamais dans mon cœur ! de Lucie Farigoul

Chronique de Laehb

La vie de Victoire bascule quand sa mère décède après une mauvaise chute lors d’une compétition de saut d’obstacles. Elle ne supporte plus la vue de Dream, la jument qu’elle tient responsable de ce tragique accident et veut s’en séparer. L’animal représente pourtant le rêve de sa mère, la vie qu’elle aurait rêvée elle-même, pour « faire comme maman » et devenir une championne d’équitation, tant de souvenirs d’enfance et bien plus qu’un simple animal : un ami et confident.
C’est un joli petit roman sur le deuil et la phase si dure qu’est l’acceptation.



Cette lecture valide :

La consigne n°10 du Défi Retournons à l’école

A propos du livre :

Résumé : Victoire a eu une enfance heureuse et équilibrée entre son père vétérinaire et sa mère Élodie, championne d’équitation qui lui a transmis sa passion des chevaux. Le rêve de l’adolescente est donc de suivre les traces de cette femme aimante et dynamique, appréciée de tous.
Mais un jour, tout s’effondre. Lors d’une compétition, Élodie fait une chute qui lui est fatale. À partir de ce moment, Victoire ne peut approcher un cheval sans revoir la tragédie et ne veut plus entendre parler de Dream, la jument que montait sa mère et qu’elle avait aidé à dresser.
Aux grands regrets de ses amis et de son père, qui tient beaucoup à Dream, Victoire est décidée à se séparer de la jument qu’elle rend responsable du décès de sa mère, quitte à oublier son rêve d’enfant.

Roman de 130 pages – se le procurer

Le mot de Sally Rose

Merci beaucoup pour ce partage Laehb. A découvrir 🤗

Le Lieutenant de Kate Grenville

Chronique de Ptitmousse

Il m’a été assez difficile de me mettre à ce livre, question de style. le problème vient peut-être du fait que je sortais d’un feel-good hyper rapide à lire. Ou alors le début était-il de toutes façons poussif ? A partir du milieu, on trouve plus d’actions, plus de rythme, plus de découvertes. Mais enfin, jusqu’au bout, je n’ai pas vraiment trouvé le plaisir que l’on a parfois à se replonger dans un livre.

Je n’avais jamais lu de livre se déroulant en Australie, c’était dépaysant, intéressant. J’ai une formation plutôt scientifique, amatrice d’astronomie donc tout cet aspect du début m’a parlé. Pas si sûre que tout le monde soit emballé… le plus gros du livre (découverte d’une autre civilisation, apprentissage d’une nouvelle langue, rapport des colons aux autochtones) était intéressant mais ce fut long… très long… Pour autant, je suis quand même contente d’avoir été poussée vers cette lecture (choisie par ma bibliothécaire) vers laquelle je ne serais jamais allée sinon. Il m’a poussé hors de mes lectures habituelles et c’est toujours enrichissant.


Cette lecture valide :

La consigne n°17 du défi Les Expressions gourmandes

A propos du livre :

Résumé : Daniel Rooke était un enfant exceptionnellement doué. Malgré son origine modeste, l’Astronome royal, qui a repéré en lui un esprit hors norme, l’a envoyé en expédition scientifique en Australie pour étudier le retour d’une comète qui ne sera visible que de l’hémisphère Sud. Il est parti vers la Nouvelle-Galles du Sud en compagnie de prisonniers anglais condamnés à vivre dans une colonie pénitentiaire. Le lieutenant s’installe donc à l’écart du camp pour y mener ses observations. Il prend petit à petit conscience de la présence des aborigènes, qui apparaissent et disparaissent, l’observent de loin ou pénètrent dans sa cabane par curiosité. Il se lie d’amitié avec un groupe d’enfants, en particulier une jeune fille, en qui il reconnaît sa propre soif de connaissance et dont il tombe amoureux. Elle lui apprend à parler sa langue. Il découvre la nature immense, la solitude, la culture australienne, il découvre avec exaltation qu’il peut employer sa grande intelligence à la constitution de la connaissance de la langue de ce pays inconnu, jusqu’au jour où on exige qu’il prenne parti dans un conflit sanglant.

Roman de 240 pages – se le procurer

Le mot de Sally Rose

Merci beaucoup pour ce partage Ptitmousse. La sujet semble plus intéressant que son traitement 😉

Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh

Chronique de Hélène Bouquine

Dès les premières pages nous savons que Clémentine est partie.. C’est une histoire d’amour bluffante, époustouflante et tellement vraie. 
Les dessins sont très jolis aussi !  
J’avais essayé de regarder le film il y a 5 ans, je n’avais pas accroché, mais avec cette BD graphique je change radicalement d’avis.

Chronique de Priscilla

Je ne sais pas qui du film ou du roman graphique est apparu en premier mais en tout cas il ne faut pas laisser passer cette pépite. Un vrai hymne à l’amour et à la liberté !
Formidable histoire d’amour entre deux femmes. 
Avec l’acceptation progressive ( et douloureuse) de Clémentine quand elle découvre son attirance pour les femmes.  
Son coup de foudre pour Emma, qui semble plus forte plus assumée… mais qui se révèle aussi être pleine de blessures et fêlures.
Le regard des autres, notamment celui de la famille, face à leur amour.
J’ai adoré cette histoire à la fois douloureuse, forte, vraie, unique…
Bien sûr c’est aussi très triste mais la beauté de l’histoire a su me le faire oublier.

À lire absolument !

Cette lecture valide :

La consigne n°7 du défi Les Déductions élémentaires

A propos du livre :

Résumé : « Mon ange de bleu, Bleu du ciel, Bleu des rivières, Source de vie… » La vie de Clémentine bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune fille aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir toutes les facettes du désir. Elle lui permettra d’affronter enfin le regard des autres. Un récit tendre et sensible.

Roman graphique de 120 pages – se le procurer

Le mot de Sally Rose

Merci beaucoup pour ce partage Hélène Bouquine & Priscilla. J’avais beaucoup aimé le film 😍 Alors pourquoi ne pas découvrir ces planches ?

Kamouraska de Anne Hébert

Chronique de AMR

C’est l’histoire d’une passion amoureuse dans tous ses excès. Madame Rolland se tient au chevet de son époux, en train de mourir. Pendant cette veille, elle repense à sa jeunesse tumultueuse, à son premier mariage avec Antoine de Tassy et à ses amours adultères avec le docteur Nelson… Cela se passe quelque part à l’est du Québec, sur la rive sud du Saint-Laurent.
La base de l’intrigue romanesque est issue d’un fait divers réel : en 1839, Achille Taché, le seigneur de Kamouraska, est assassiné par le Docteur George Holmes. On suspecta l’épouse, Éléonore d’Estimauville, de complicité ; si l’auteure a changé les noms, elle a gardé l’époque, les initiales des prénoms et le lieu emblématique à l’étrange sonorité.

Il s’agit ici de l’éternel triangle amoureux et de toutes une série de triptyques associés… 
En parallèle du triangle typique du couple et de l’amant (Antoine/ Elisabeth/ George), il y a un triangle diabolique d’empoisonneurs (Elisabeth/ George/ Aurélie) ; cette dernière est un personnage trouble, qui rêve de prendre la place d’Élisabeth et de lui ressembler.
Les trois tantes sont des personnages secondaires très intéressants, telles trois vieilles fées… Elisabeth et Antoine ont trois enfants… Il y a trois servantes…
On peut également relever trois couleurs dominantes dans le récit : le blanc de la neige et du givre, le noir porté par le docteur Nelson, toujours décrit comme un être sombre et diabolique, la couleur de ses yeux ou encore la robe de son cheval, le noir du deuil et le rouge très féminin des travaux d’aiguilles ou des vêtements. 
J’ai été frappée par la naissance de l’amour entre Elisabeth et Georges sur fonds de rivalité masculine : le mari et l’amant se connaissaient depuis l’école et étaient déjà rivaux, adversaires aux échecs. Pour George, posséder Elisabeth n’est pas très diffèrent de battre Antoine sur un échiquier.

J’avoue avoir un peu buté sur le schéma narratif de ce livre, particulièrement complexe, car les points de vue intérieurs et omniscients se mêlent dans une alternance de première et de troisième personnes dont il faut s’approprier le rythme et le sens. Il n’y a pas de mise en page particulière ou de guillemets pour signaler qui s’exprime et à quel titre. 
Puis, cela devient plus fluide quand Elisabeth assume de plus en plus la narration, à mesure qu’elle se replonge dans les souvenirs et qu’elle se laisse emporter par eux. Les deux facettes de son personnage sont même bien différenciées : Mme Rolland désigne l’épouse respectable tandis que le prénom seul indique les souvenirs passionnés. Il ne faut jamais perdre de vue que tout est raconté de son point de vue, à travers sa focalisation, son imaginaire, ses ressentis. Elisabeth vit par la pensée ce que vit son amant : le voyage dans la neige vers l’anse de Kamouraska, le meurtre…
Le présent et le passé se mélangent également dans une temporalité alternée avec souvent des effets d’annonces. 
Il m’a fallu plusieurs lectures pour tout comprendre.

Naturellement, j’ai apprécié le dépaysement, la langue et les accents québécois de certains dialogues, trop peu à mon goût d’ailleurs car Anne Hébert a écrit pour un lectorat francophone et a choisi un langage assez neutre, dans un souci de compromis linguistique peut-être. Par contre, la présence de l’anglais est importante dans ce roman, tant dans le langage amoureux que dans le jargon juridique…
Et puis il y a toute une intertextualité en filigrane autour de la Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne, de Macbeth de Shakespeare, d’Anna Karénine de Tolstoï ou encore de la Princesse de Clèves de Mme de la Fayette… le thème de l’adultère, le côté théâtral de certains passages et les références aux tâches de sang, la succession de scènes du bal qui résument la jeunesse d’Elisabeth sont autant de références à des grandes oeuvres littéraires.

Kamouraska n’est pas un roman facile, loin de là. 
Il faut s’accrocher pour en venir à bout, ne jamais perdre de vue qu’il donne à lire une parole féminine complexe et déconcertante, qu’il nous plonge dans la conscience d’une femme en proie à la passion au sens tragique du terme.

Cette lecture valide :

La lettre H du défi L’abécédaire

A propos du livre :

Résumé : Au chevet de son époux mourant, c’est sa propre mémoire que veille Elisabeth d’Aulnières. Enfouis sous le temps et les songes, les souvenirs de sa jeunesse tumultueuse refont surface : l’histoire, en 1839, de son innocence salie, d’une passion tragique de chair et de sang, d’amour et de mort. Un secret dissimulé sous l’opaque silence des apparences et de l’honneur. Un amour éperdu enterré vivant sous les neiges québécoises…

Grande voix de la littérature québécoise, Anne Hébert (1916-2000) est l’auteur de romans, de pièces de théâtre, de recueils de nouvelles et de poésie. Prix des libraires en 1971, Kamouraska a été porté à l’écran. Également en Points : Les Fous de Bassan (prix Femina 1982) et L’Enfant chargé de songes.

 » Anne Hébert est la plus connue des écrivains québécois. Une notoriété qui date en particulier de la publication, en 1971, du très romanesque Kamouraska. « 

La Croix

Roman de 245 pages – se le procurer

Le mot de Sally Rose

Merci beaucoup pour ce partage AMR. Je l’ajoute à ma liste d’envie et le réserve pour les longues soirées d’hiver au coin du feu 😍